Manifeste

Notre boussole dans la tempête

Les réflexions humaines prennent toute racine dans notre expérience physique du monde, dans ce que nous sommes, ce que nous cherchons à accomplir et dans la vision du monde qui en découle. Il ne peut par conséquent pas exister de pensée absolument libre de positionnement ou d’une idéologie. Nous pensons “comprendre” le monde alors que nous ne pouvons que l’appréhender. Cette appréhension, qui dépend de notre expérience sensorielle et de notre vécu, est le prisme par lequel nous analysons notre environnement, notamment les propos et les thèses des autres.

Il n’existe pas de pensée absolument libre de toute idéologie. Les réflexions humaines dépendent de notre expérience physique du monde, de ce que nous sommes, de ce que nous avons vécu, de ce que nous cherchons à accomplir et, plus globalement, de la vision du monde qui en découle.

Ainsi, notre condition de sapiens détermine nos sujets de préoccupation. La désertification ne semble pas aussi dramatique dès lors qu’on pose la question à des dromadaires. Il en va de même de notre condition sociale. La fin du monde n’est pas si urgente lorsque le compte est déjà en négatif le 15 et que la fin du mois semble aussi lointaine que le XXIIe siècle.

Les débats gagnent à aller au plus vite à la raison la plus profonde des désaccords. En tirant le fil, on finit souvent par constater un différend dans notre vision du monde. Pour rendre les discussions plus productives, il faut la définir le plus précisément et honnêtement possible.

Ainsi on évitera de débattre des heures sur la responsabilité du Lichtenstein dans la chute de la biodiversité avec un interlocuteur qui fondamentalement ne verrait pas le problème si la Terre était transformée en parking Vinci de 148 millions de km².

Ce document est une tentative conjointe avec Jean-Lou de la chaîne Après la bière de partager notre vision du monde pour clarifier notre approche et notre positionnement sur un certain nombre de sujets. C’est un document de travail qui continuera probablement d’évoluer. N’hésitez pas à nous faire des retours et des suggestions d’amélioration sur le Github créé à l’occasion. Et si vous voulez “forker”, c’est notre tournée !

Nous prenons cette initiative parce qu’il semble que nous ayons de plus en plus souvent des désaccords avec des personnes portant un discours anti-transition sur des bases idéologiques et logiques nous semblant à la fois floues et fragiles. Elles peuvent pourtant revendiquer de lutter contre les mêmes problèmes environnementaux que nous et nous partageons même certaines de leurs propositions.

Principes moraux

Dans nos sociétés, il existe un désaccord raisonnable sur les principes moraux. Nous cherchons à rassembler autour de la validité de nos raisonnements (si nous faisons bien notre travail !) plutôt que sur la justesse de nos principes moraux sous-jacents. On vous a mis, en annexe, un exemple de principes moraux avec lesquels nous sommes en phase. Certains d’entre vous peuvent très bien défendre des principes moraux différents et pourtant être en accord avec notre démarche.

Comment arbitrer si nos décisions vont dans la direction de nos principes moraux ?

Une fois ses principes moraux définis, se pose la question de l’adéquation entre nos actions et ces principes. Pour juger de la moralité de nos actions et propositions, nous faisons appel à un raisonnement conséquentialiste borné par un cadre déontologique. Dans la démarche conséquentialiste, une action comme un mensonge ne sera pas jugée comme étant mauvaise en soi mais plutôt en fonction de ses conséquences. Dans la démarche déontologique au contraire, on évaluera une action en fonction de sa conformité à certains devoirs. Les limites de nos capacités à prédire les conséquences implique une certaine humilité épistémique, et un retour à la boussole déontologique dès que nous commençons à faire trop de plans sur la comète.

Serait-il judicieux de volontairement saboter les infrastructures pétrolières mondiales avec l’ambition de générer un électrochoc accélérant la transition énergétique mondiale vers du renouvelable ? Et si cette stratégie avait surtout pour conséquence de générer de la précarité énergétique, voire de précipiter un effondrement de nos systèmes énergétiques ? Face à l’impossibilité de faire de telles prédictions, il nous paraît justifié de revenir à un principe déontologique : ne pas saboter des infrastructures centrales aux fonctions vitales de nos sociétés.

Les sociétés humaines font face à un certain nombre de menaces (crises environnementales, pouvoir des algorithmes de recommandations, montée de l’autoritarisme, effritement de L’État de droit) qui peuvent inciter à des changements rapides et radicaux de nos sociétés. Mais, des changements trop brusques peuvent provoquer des dommages importants et irrémédiables. Si nous mettons tout à plat demain matin, sommes-nous bien sûr que le nouveau système qui émergera d’une telle entreprise sera meilleur que l’existant ? Un changement abrupt est un pari sur l’avenir extrêmement incertain. La reconnaissance de ce que nous avons et des risques associés aux changements brutaux nous incitent à une certaine prudence.

Quand nous réfléchissons à une trajectoire d’évolution souhaitable, on se retrouve donc à faire des arbitrages entre ces deux forces opposées : la nécessité d’évoluer rapidement en tant que sociétés et le danger à le faire. Quelque part se trouve une trajectoire équilibrée ou de moindre mal dont l’identification est extrêmement difficile.

La question de la décarbonation de l’économie est illustrative. Supprimer d’un claquement de doigt l’ensemble des ressources fossiles causerait des dommages considérables parce que la survie de milliards d’individus en dépend. Mais, continuer d’exploiter les ressources fossiles au rythme actuel condamne les sociétés humaines aux conséquences dramatiques du changement climatique. Trouver la vitesse de réduction préférable entre ces deux extrêmes n’a rien d’évident mais on peut, a minima, avoir conscience des risques d’aller trop lentement et des risques d’aller trop vite.

On navigue un bateau dans la tempête, on ne le téléporte pas.

Le choix le plus crédible

Le choix le plus judicieux pour comprendre le monde nous semble être d’adopter l’épistémologie bayésienne. Dans cette philosophie de la connaissance, la part belle est faite à la révision de toutes nos croyances (connaissances comprises). Celles-ci sont ainsi toujours exprimées sous la forme de degrés de crédibilité en différentes propositions. Toutes les nouvelles observations doivent être utilisées pour modifier les degrés de crédibilité attachés à nos croyances. Cette manière d’envisager notre compréhension du monde et nos modèles prédictifs rend notre état de connaissances robuste, sans pour autant figer nos croyances.

Si on présente un corbeau albinos à un enfant, il sera logiquement amené à croire que les corbeaux sont blancs. Au fil de ses rencontres avec des corbeaux, qui seront très probablement noirs, son jugement sur la couleur des corbeaux sera amené à évoluer pour rejoindre la position “presque tous les corbeaux sont noirs”.

Se baser sur les éléments les plus crédibles à un moment donné est la stratégie rationnelle la plus efficace pour élaborer des propositions de changement social et ce pour plusieurs raisons :

Raison 1 : Les modèles qui font les meilleures prédictions sont les plus utiles.

Il est trivial qu’identifier un problème et le comprendre donne de meilleures chances de le résoudre.

Si vous ne vous apercevez pas que votre plante fane, vous ne la sauverez pas. Si vous vous apercevez que votre plante fane mais que vous ne savez pas si elle manque d’eau, de lumière ou de nutriments, ses chances de survie sont livrées au hasard.

Il faut donc s’attacher à avoir les modèles les plus justes possibles même si ce ne sont pas les plus intuitifs ou les plus séduisants. Il faut s’appliquer à les améliorer et à les affiner constamment. Cette importance d’une bonne compréhension est ce qu’expliquait Marshall MacLuhan, qui s’appliquait à comprendre les ressorts de la technologie malgré son très grand conservatisme :

Je suis résolument opposé à toute innovation, à tout changement, mais je suis déterminé à comprendre ce qui se passe. Parce que je n’ai pas choisi de m’asseoir et de laisser le rouleau compresseur me rouler dessus. (…)Tout ce dont je parle est presque certainement quelque chose à quoi je suis résolument opposé. Et il me semble que la meilleure façon de s’y opposer est de le comprendre. Ensuite, vous saurez où éteindre les boutons.Marshall McLuhan, 1966

Raison 2 : Le langage probabiliste force à admettre nos limites prédictives, ce qui facilite la recherche de consensus.

Avec une approche bayésienne, on se rend compte qu’une bonne compréhension du monde est avant tout une bonne gestion de l’incertitude. Avec cette approche et le langage probabiliste qui la traduit, on est forcé de ne voir le monde que sous formes de croyances plus ou moins crédibles. Cette approche permet d’avoir toujours la meilleure compréhension du monde disponible mais permet aussi d’identifier ce qui est plus moins certain. Cette gestion de l’incertitude permet d’identifier les sujets qui méritent davantage de recherche, qui sont les plus à même d’évoluer ainsi que d’identifier les risques d’erreur.

Si je dois dimensionner un pont dans un monde touché par le changement climatique, je ne peux plus me baser sur les crues passées. Je dois prendre en compte des scénarios d’évolutions futures. Je dois faire des choix éclairés en intégrant ces incertitudes et l’évolution future potentielle de la compréhension actuelle des enjeux climatiques.

Raison 3 : S’astreindre à suivre le consensus scientifique est la stratégie la plus sûre.

Le préjugé bayésien sur un sujet qu’on ne connaît pas devrait logiquement être de se rallier au consensus scientifique. Le consensus scientifique constitue la connaissance la plus crédible du moment car elle est le fruit d’un énorme travail d’une communauté dédiée à la quête de la connaissance. Cette communauté utilise des méthodes visant à minimiser les biais individuels et les risques d’erreur ainsi qu’à s’auto-corriger en permanence. A contrario, les avis individuels allant à l’encontre du consensus ont un risque bien plus élevé d’être faux, soit car leurs auteurs ont commis des erreurs, soit parce qu’ils sont biaisés par leur idéologie ou bien encore parce qu’ils sont corrompus.

Le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) produit des éléments crédibles par construction puisque (i) ses auteurs sont des spécialistes des sujets abordés (ii) ils ont une approche alignée avec l’approche bayésienne (iii) les éléments proposés passent par une large revue par des pairs. Par conséquent, il faut des éléments extrêmement crédibles pour remettre en question les rapports du GIEC et ça ne peut pas se faire sur la base de préjugés et d’incompréhensions publiés sur un forum, les réseaux sociaux ou dans un livre.

Raison 4 : Ne pas rallier un consensus scientifique peut décrédibiliser

Notons que se rallier au consensus scientifique est également plus stratégique sur le long terme. En cas d’erreurs ou d’insuffisances, ce consensus évoluera et on pourra facilement justifier notre ancienne croyance maintenant erronée et l’actualiser avec ce qui se fait de mieux actuellement.

Tomber malade en suivant les conseils de son médecin est moins probable mais aussi plus facilement justifiable que de tomber malade en suivant les conseils santé du premier venu sur les réseaux sociaux.

De plus, commettre une erreur en étant volontairement éloigné du consensus scientifique à un moment donné peut décrédibiliser tout un discours.

L’utilisation d’informations fausses pour lutter contre le nucléaire (par exemple : le nucléaire est très émetteur de gaz à effet de serre) décrédibilise certains milieux écologistes diminuant leur capacité à convaincre et facilite le travail de leurs adversaires.

De la même manière, certains désinforment sur la voiture électrique pour lutter contre la voiture individuelle. Mais est-ce une bonne stratégie ? Est-ce que le résultat ne sera pas juste que nos concitoyens garderont leur voiture thermique ? Il y a une probabilité non nulle de finir avec un résultat sous optimal.

Plus généralement, est-on bien sûr qu’en désinformant volontairement on obtiendra le résultat espéré ? Plutôt que de faire un pari à 9 bandes où les incertitudes se multiplient à chaque bande, il nous semble qu’il est bien plus défendable de ne diffuser que les éléments les plus crédibles à un moment donné. Mentir pour convaincre peut se défendre moralement si nous avons un très grand degré de confiance dans l’évaluation de toutes les conséquences de notre mensonge, ce qui est rare quand on intervient dans un système aussi chaotique et complexe que la société humaine.

Pourquoi mettre à jour ses croyances n’est pas évident ?

Il peut paraître banal de dire qu’il est préférable de mettre à jour continuellement nos modèles du monde en fonction des nouveaux éléments auxquels nous avons accès et de s’y tenir. En réalité, il y a plusieurs raisons qui font que c’est incroyablement difficile.

Se renseigner et être capable de faire évoluer son opinion avec les nouvelles informations est chronophage et demande une grande rigueur intellectuelle. Se replier sur ses certitudes et s’y tenir est cognitivement beaucoup plus simple et agréable. L’incertitude émanant de l’approche bayésienne est difficile à gérer et l’appréhender est cognitivement coûteux.

Il peut être paradoxalement plus rassurant d’être persuadé de l’effondrement des sociétés que de garder un espoir honnête en maintenant notre incertitude quant à leur avenir.

De nombreuses dynamiques peuvent nous enfermer dans une appréhension erronée et entraver l’actualisation de nos degrés de confiance dans nos différentes croyances : notre vécu, nos prises de position publiques, nos dépendances économiques à certaines opinions, notre culture, notre histoire… Les dynamiques sociales semblent notamment avoir une place prépondérante dans la difficulté à changer d’opinion. Nous croyons des choses parce qu’elles sont crus par des êtres qui nous sont chers ou véhiculés par des communautés auxquelles nous appartenons. Actualiser ses croyances est extrêmement difficile dès lors qu’on ressent que cela pourrait nous couper de notre cercle social.

Nous sommes tous victimes de mécanismes de déni qui existent pour une bonne raison : nous rendre l’existence plus simple et agréable. Lutter contre demande du temps, de la discipline et des efforts. Nous essayons d’avoir une vision du monde la plus crédible possible mais c’est un objectif inatteignable. On ne peut que tenter de l’approcher.

Le reste n’est que conséquence

Il semble rationnel de ne pas avoir de préjugés au-delà de nos fondements moraux. La description de nos principes moraux et des logiques d’arbitrage exposées nous semblent suffisantes pour émettre un jugement sur un certain nombre de sujets.

Si nous voulons lutter contre le réchauffement climatique, c’est parce que ce changement climatique a des conséquences désastreuses pour l’épanouissement des sociétés humaines, de ses individus et pour les autres êtres sentients. Il y a fort à parier que si on vivait un refroidissement planétaire (naturel ou non), on discuterait aussi de comment lutter contre. Lutter contre le réchauffement climatique découle donc de nos principes moraux et de nos logiques d’arbitrages.

Appel à la tradition.

Par exemple, l’appel à la tradition ne devrait avoir aucun sens pour quelqu’un pour qui la tradition n’a pas de valeur en tant que telle. Pourtant beaucoup de gens qui ne semblent pas consciemment attacher de valeur aux traditions peuvent parfois faire ce qu’on nomme un “appel à la tradition”, c’est-à-dire justifier quelque chose par son existence passée. Or si l’ancien peut effectivement être meilleur selon nos principes moraux, ce ne devrait pas être en vertu de son caractère ancien mais en vertu de ses conséquences actuelles. En effet, on hérite de normes ou de traditions dont on peut avoir du mal à s’extraire à cause de dynamiques sociales, économiques ou culturelles mais qui ont, pourtant, des conséquences sociales dramatiques. Ce qui nous vient du passé doit être certes compris et respecté lorsque certains humains y sont attachés mais cela doit également être discuté et ne doit pas être considéré comme allant de soi. Heureusement que l’appel à la tradition n’a pas suffit à nous décourager de supprimer l’esclavage et la torture ou de découvrir l’anesthésie, les antibiotiques et les systèmes de traitement des eaux usées.

On pourrait citer en exemple l’omniprésence légale de l’alcool parmi les substances récréatives malgré les souffrances induites pour les consommateurs et la société en général. Même dans le contexte des substances récréatives, la légalisation de l’alcool tandis que d’autres substances telles que le LSD ou les champignons hallucinogènes sont interdites ne semblent pas pouvoir se défendre par des critères objectifs et, encore moins, par nos principes moraux. On peut se demander si l’alcool ne doit pas sa place dans les sociétés modernes qu’à son histoire. 1 2 3

Appel à la nature

Parmi les biais les plus répandus dans les milieux environnementaux, il y a l’idée (souvent implicite) que ce qui est naturel est bon en soi. Pourtant une molécule a exactement le même effet qu’elle soit synthétisée ou extraite de l’environnement. Une méthode peut être préférable à une autre parce qu’elle permet d’avoir plus facilement une substance ou avec un moindre impact environnemental. Mais, il n’y a pas de raison a priori de préférer une substance de synthèse à une substance naturelle ou inversement.

Un exemple notable est la nécessité pour les vegans de complémenter leur alimentation avec une vitamine produite synthétiquement (B12). Le régime vegan ne pourrait donc pas reposer sur une alimentation entièrement “naturelle”. Et alors ? Ça n’empêche en rien le régime vegan d’être préférable à d’autres au vu de nos principes moraux. Et d’ailleurs, un régime basé sur des légumes sélectionnés par des centaines de génération d’agriculteurs est-il vraiment naturel ?

Un autre exemple concerne les extinctions de masse du passé qui bien que naturelles n’en sont pas bonnes pour autant.

Appel à la détestation de l’humain

Il est étonnamment fréquent de trouver des discours de détestation de l’humain, au travers de ses activités humaines ou bien de la société en général. On peut parfois lire, par exemple, que l’homme est mauvais par nature ou bien que l’humanité serait un cancer. Ces discours nous paraissent fragiles et difficiles à défendre même quand cette prémisse idéologique est assumée. Surtout, ils paraissent découler de principes moraux et de logiques complètement différents des nôtres.

Ne pas confondre la fin et les moyens

Les organisations des sociétés humaines ne sont que des réponses tentées par certains humains face aux contraintes environnementales au sens large. Il faut les juger à l’aune de leurs conséquences anticipables et en déduire les modifications sociales nécessaires suivant nos principes moraux.

Cela implique également que nous n’avons pas de préférence a priori sur des leviers technologiques par rapport à des leviers comportementaux. Ils doivent être jugés vis-à-vis des principes moraux. Si une activité apporte peu d’épanouissement, sa réduction est d’autant plus facile à justifier. D’autant que la réduction de consommation présente des avantages indéniables : instantanéité des résultats et bénéfices évidents. Mais si une technologie permet de fortement réduire les dommages d’une activité économique, il faut également apprécier les conséquences de sa diffusion. Notons qu’il est courant d’opposer ces deux approches alors que nous pensons qu’elles relèvent de logiques complémentaires.

Réduisons le nombre de voitures de ce qui est collectivement possible et convertissons ce qui reste à l’électrique.

Les débats sont vifs quand on parle de politique dans les milieux environnementaux, certains n’hésitant pas à faire passer la lutte contre les problèmes environnementaux en une lutte contre le capitalisme parfois sans même faire l’effort de justifier ce point de vue. Il paraît nécessaire de pointer du doigt les éléments problématiques du système actuel et d’expliquer en quoi une alternative est préférable. Et, surtout, ne pas confondre un moyen (par exemple changer le système politique) et une finalité (par exemple éviter un effondrement environnemental).

Implications importantes pour notre hygiène mentale

Être capable de s’actualiser

Il nous semble intéressant de se poser régulièrement la question de sur quoi on fait reposer une croyance donnée. Pourquoi suis-je convaincu que le photovoltaïque a un rôle à jouer dans la lutte contre le changement climatique ? En gardant à l’esprit sur quels éléments on s’appuie pour émettre un jugement et en faisant l’effort de le questionner régulièrement, on est plus à même de le faire évoluer. Pour faciliter cette actualisation qui peut parfois être ressentie comme une mise en danger de notre identité, essayez de ne pas être fier d’être “celui qui ne se trompe jamais” mais plutôt d’être “celui qui s’actualise le mieux”.

Ne pas confondre la fin et les moyens

Il convient également de réviser régulièrement ses jugements en gardant à l’esprit la finalité de ce qu’on souhaite entreprendre. Rester attaché à un moyen devenu sous optimal fait perdre du temps, de l’énergie, de l’argent… etc.

La voiture à hydrogène pouvait paraître une solution pour la mobilité légère il y a quelques décennies mais, aujourd’hui, il est très clair qu’une voiture à batterie est largement préférable.

Se replier sur les experts

Essayer de se faire une opinion éclairée sur certains sujets permet de rapidement se rendre compte qu’on ne peut pas le faire correctement sur tout. L’implication directe est que le jugement le plus crédible sur un sujet donné est émis par les experts de ce sujet. On peut remettre en question certains jugements de ces experts mais il faut le faire avec des éléments solides, le meilleur réflexe a priori est de leur faire confiance. C’est d’autant plus vrai qu’on est ignorant de ce sujet.

Lutter contre notre biais de confirmation

Le biais de confirmation est un mécanisme naturel contre lequel il est très difficile de lutter et qui peut amener des jugements biaisés en ne cherchant que des éléments qui les confirment. Il est important d’essayer de lutter contre. Un bon réflexe est d’essayer d’invalider un jugement plutôt que de le confirmer.

J’attache un très haut degré de crédibilité dans la proposition “le changement climatique est d’origine humaine”. Plutôt que de lire une énième étude qui va dans ce sens, je peux aller lire des choses qui remettent cette proposition en question. (Ce qui peut confirmer le jugement initial si les éléments opposés sont faibles).

Il est aussi important d’essayer de rester ouvert à d’autres opinions (varier les groupes sociaux, diversifier les sources d’information). Pour réaliser l’ampleur de cette diversité, n’hésitez pas à faire des recherches Youtube en mode incognito.

Dans cette diversification, il est essentiel de choisir ceux qui défendent le mieux les opinions qui vont à l’encontre des nôtres. Si je suis pro-nucléaire, je dois me forcer à trouver des groupes ou des personnes qui selon moi développent les meilleures critiques du nucléaire civil. Rire et tourner en ridicule les opinions qu’on jugera claquées est simplement une manière de se conforter dans sa vision du monde. Il est essentiel d’aborder chaque discussion avec l’empathie intellectuelle nécessaire à la considération sincère de l’opinion de l’autre. Un bon réflexe à avoir face à des croyances qui divergent des nôtres est d’accepter la possibilité que ce soit nous qui soyons dans l’erreur.

Savoir se préserver

Certaines interactions ne mènent nulle part. Il arrive d’interagir avec des personnes qui ne partagent pas les mêmes valeurs, les mêmes logiques d’arbitrages ou la même honnêteté que nous. Identifier les interactions stériles est important pour utiliser son énergie où elle est pertinente. Il est d’autant plus important d’éviter les interactions stériles qu’elles ont lieu avec des gens qu’on aime.

Approche consensuelle

Il peut être intéressant de limiter les désaccords et les incompréhensions en se limitant aux éléments strictement nécessaires à la poursuite de notre objectif, en veillant à ne pas lancer des sous-sujets conflictuels inutilement et en veillant à rester audible de tous (idée compréhensible, pas de références inutiles… etc).

Annexe

Si vous voulez un exemple de principes moraux auxquels on peut appliquer les raisonnements qu’on développe dans ce document :

  • (1) Une société juste est une société qui maximise les opportunités de chaque personne à mener une vie épanouie.
  • (2) La société doit garantir un certain nombre de droits fondamentaux à toutes les personnes, au plus haut niveau compatible avec le même système de droits pour tous
  • (3) Il faut minimiser la souffrance de tous les êtres sentients.
  • (4) Nous souhaitons faire progresser la compréhension du monde.

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